Rencontre avec le Judo…
Patrick Bittan
« La chance de croiser maître Awazu… »
Nous sommes en 2003. Patrick Bittan revient tout juste du Brésil où il a remporté une médaille d’argent aux Monde a Sao Paolo, la toute première du Jiu Jitsu Brésilien français.
Avec Christian Derval, il décide d’aller à la rencontre du Judo tricolore. Les deux hérauts du JJB français vont se transformer en héros : ils vont présenter leur style devant quelque 500 hauts gradés, tout acquis à la cause de l’école Kano. Récit d’une rencontre historique qui aurait pu effacer une querelle séculaire.

Par Ludovic Mauchien
En 2003, le JJB français a largement dépassé le stade des balbutiements. En moins d’une décennie, il s’est développé à vitesse grand V. Mais il n’a pas encore atteint la reconnaissance officielle des instances du sport. Il évolue dans son coin, pas en son sein.
Pour accélérer le mouvement, pour démontrer la viabilité de leur pratique, Christian Derval et Patrick Bittan décident d’ouvrir les frontières. Ils pensent qu’il faut aller se confronter aux représentants de l’école Kano, en clair le Judo « officiel », celui reconnu et dispensé par le Kodokan au travers de la FFJudo.
« On s’est aligné aux championnats de Jiu Jitsu, Ju Jitsu Fighting et Ju Jitsu Duo Fighting », raconte Patrick Bittan. « Puis nous sommes allés voir Eugène Domagata à la Fédération Française de Judo (FFJDA). A l’époque, il était l’entraîneur national du Ju Jitsu Fighting aujourd’hui Président Mondial du Ju Jitsu . Dans son bureau, nous lui avons montré plusieurs vidéos de JJB. Il s’est montré intéresser et, visiblement, il a perçu le potentiel de notre école car il nous a invités, Christian et moi, à intervenir lors du grand stage des professeurs de Judo/Ju Jitsu à Boulouris ».
Kano vs Maeda, Ne Waza vs JJB

En août 2003, les deux hérauts du JJB français débarquent dans le Var. Judokas de formation, ils ne sont pas en terre inconnue. Mais quand même… Car, en face d’eux, ils vont avoir les plus hauts gradés du Judo français (minimum 5e Dan), qui participent au stage annuel dédié aux enseignants de l’école Kano. Autant dire que l’école Maeda, ce n’est pas leur tasse de thé.
« Nous avons eu la chance de croiser maître Awazu (décédé en mars 2016 à 93 ans, il était l’un des fondateurs du Judo français). Nous avons discuté  avec lui. Nous, nous lui avons parlé du JJB. Il nous a dit : « ah, la vieille querelle historique des deux écoles ».


Kano vs Maeda, Ne Waza vs Jiu Jitsu Brésilien, tradition vs évolution. Mitsuyo « Conde Koma » Maeda, brillant élève de Jigoro Kano, fut envoyé par celui-ci à travers le monde pour démontrer l’efficacité de l’école qu’il venait de fonder.
Maeda serait crédité de 2000 combats victorieux. En 1914, il s’installe au Brésil, à Belem (pour l’anecdote, également la ville natale de la famille Machida). Il rencontre un certain Gastao Gracie, père de Carlos et d’Helio, grand-père de Rickson. Le Gracie Jiu Jitsu, l’école Maeda donc, vient de germer.
« Montrez-nous ce qu’est ce JJB… »

Patrick Bittan va de suite être mis dans le bain de la « vieille querelle historique des deux écoles »… « On m’a empêché de monter sur le tapis car mon Kimono avait des patchs. Il fallait un Kimono tout blanc. Par respect, je me suis exécuté », se souvient Patrick Bittan. « J’ai donné un cours pendant plus d’une heure. A la fin, une ceinture rouge et blanche est venue nous voir et nous a dit : « c’est incroyable ! J’ai l’impression que l’on m’a menti toute ma vie sur les déplacements. Je sens que l’on doit faire comme vous venez de nous le montrer. C’est une voie de travail que l’on avait négligée. Merci ».
Le plus dur serait-il fait pour Christian Derval et Patrick Bittan ? Pas encore. Mais la 1ère étape est franchie avec un certain succès. Mais il va leur falloir passer l’échelon supérieur, un quasi « man to man », un JJB vs Ne Waza à la sauce tricolore… « On nous a proposé de nous rendre dans un Dojo attenant. On s’est retrouvé avec 4-5 hauts gradés. Il y avait Patrick Roux, Eugène Domagata, Jean Michel Feste, un entraîneur de l’équipe de France… Et là, on nous dit : « montrez-nous ce qu’est ce JJB » !, en rigole aujourd’hui Patrick Bittan. « Christian expliquait et je montrais sur le tapis. Cela devait durer 5 minutes. Au bout de 25-30 minutes, Patrick Roux, l’expert du Ne Waza français, a voulu essayer. Je me suis retrouvé à faire un Randori avec lui ! ».

« Patrick Roux était très fort. C’est une science ! »

Un duel à l’ancienne, une opposition de connaissances, une association de compétences… Patrick Bittan conserve de cette rencontre historique un souvenir assez ému. « Le Randori était en Judo au sol. Patrick Roux était très fort. C’est une science ! Il n’utilisait aucune force, il était sur le placement. C’était pareil de mon côté. J’ai lancé des attaques que je savais qu’il ne pouvait pas connaître, des développements du JJB, notamment des positions, qui n’existe pas en Judo. C’est ce que l’on appelle le Jiu Jitsu « invisible » de Rickson Gracie (dont il a été l’élève aux Etats-Unis). A la fin du Randori, Patrick Roux a dit devant tout le monde : « il y a toute une partie du Ne Waza que je ne connais pas » ! ».
Cette journée aurait pu (dû) changer l’histoire du Jiu Jitsu Brésilien en France. L’union a failli être scellée. Mais, 15 ans après, force est de constater qu’elle a surtout failli. Marier le Ne Waza et le JJB semble mission impossible. « C’est dommage », déplore Patrick Bittan. « Mais je constate que nous, notre école, le Jiu Jitsu Brésilien, comptons beaucoup de champions de France, d’Europe et du monde en compétition officielle de Ne Waza : Nelly’s Tonco, Laurence Cousin, Océane Talvard… Et beaucoup d’autres ». Et tac !

Règles Ju-Jitsu Ne-Waza

NE_WAZA (français JJIF)